Ciné-club : ‘Мы из джаза’
15 novembre 2019Fête du Nouvel An Russe
11 décembre 20196 décembre à 19 h Local Droujba 1 rue Joseph Lyonnaz Grenoble
Tesnota – Une vie à l’étroit (Теснота)
2017 ‧ Drame ‧ 1h 58m
Synopsis
Nalchik, ville russe du Caucase. À vingt-quatre ans, Ila travaille comme mécanicienne dans le garage de son père. Lorsqu’une fête traditionnelle juive est organisée pour les fiançailles de son frère, David, elle rejoint en cachette Zalim, son petit ami kabarde. Dans la nuit, David et sa fiancée sont kidnappés et une rançon est réclamée à la famille.
Date de sortie : 7 mars 2018 (France)
Réalisateur : Kantemir Balagov
Bande originale : Andrey Nikitin
Nominations : Prix Nika de la meilleure actrice,
Scénario : Kantemir Balagov, Anton Yarush
Critique Télérama :
Pour sauver son frère, Ilana doit épouser un homme qu’elle n’aime pas. Le premier long métrage d’un cinéaste débutant et virtuose.
Ce premier long métrage d’un réalisateur de 27 ans est sidérant. Un coup de maître, une claque, qui frappe, à chaque plan, par son intensité et ses partis pris. Comme son choix d’emprisonner littéralement le mouvement des corps et les visages dans un cadre dont ils semblent sans cesse vouloir s’échapper. Kantemir Balagov s’est inspiré d’un fait divers survenu à Naltchik, sa ville d’origine, dans la Russie des années 90, au cœur d’une famille juive très soudée, qui vit dans quelques mètres carrés. Ce soir, c’est la liesse : le fils aîné se fiance. Verres qui tintent, couleurs chaleureuses, la caméra, fluide, se fraie un chemin dans ce clan gorgé d’humanité. Derrière la maison, dans la cour, Ilana, superbe garçon manqué qui travaille avec son père dans le garage familial, fume, en cachette, une cigarette avec son frère. Dès ces deux séquences, le cinéaste s’accroche au plus intime des gestes et des grains de peau : tout nous est dit de la promiscuité bourrue, sensuelle, mais asphyxiante de cette famille si aimante. Et puis, le drame survient : le frère et sa fiancée sont enlevés par des mafieux. Les parents, qui ne font pas confiance à la police, préfèrent se tourner vers leur communauté pour rassembler la rançon. Peine perdue. Alors, c’est Ilana qui va devoir se sacrifier…
Le moment où elle apprend par sa mère qu’elle va devoir épouser un riche voisin pour recueillir l’argent de la dot confirme le vrai sujet du film : pas un thriller sur un kidnapping, mais la lutte d’une jeune fille pour son émancipation. Comment exister contre l’amour de sa famille ? Le réalisateur filme longuement son héroïne en très gros plan, au sortir de la douche, les cheveux mouillés : impossible, alors, de quitter son regard, atterré, impuissant… Elle aime Nazim, pompiste kabarde et musulman, mais ne peut trouver auprès de lui aucun réconfort : entre deux ivresses d’alcool et de musique techno, elle découvre qu’il est fasciné par des images de propagande islamiste où des soldats russes sont torturés et égorgés…
Le film relie haine séculaire et claustrophobie familiale pour dépeindre une jeunesse dévorée par tous les maux, ethniques et familiaux. Ilana (Darya Zhovner, magnétique) pourrait être Suzanne d’A nos amours, de Pialat, se débattant pour sa liberté dans une ambiance proche du Little Odessa de James Gray. Après Faute d’amour, d’Andreï Zviaguintsev, et Une femme douce, de Sergei Loznitsa, voilà qu’un tout nouveau réalisateur virtuose filme son pays déchiré entre traditions et violences. Et une femme y cherchant, tragiquement, un avenir. Celui de la Russie ?
Bande annonce : https://www.youtube.com/watch?v=1yXvJ-DUFE8